Ils sont comptables, infirmières, mécaniciens, femmes de ménage, assureurs, indépendants, étudiants, chômeurs. Ils sont le visage du peuple de São Paulo. J’ai passé chaque jour du mois de mai 2020 à les photographier sur l’avenue Paulista, l’artère emblématique – et la plus longue – de la ville. A cette date la pandémie fait déjà rage au Brésil et São Paulo devient officiellement la capitale du coronavirus en Amérique Latine. Au même titre que le virus, les déclarations incendiaires du président Jair Bolsonaro font la une des quotidiens. Les citoyens que je photographie craignent autant la maladie que l’imminence d’un « golpe », un coup d’état militaire.
Mon protocole de prise de vue est simple. Je réalise des portraits de paulistes portant un masque, en m’approchant au plus près, c’est à dire à une distance toujours comprise entre 1,5 et 2 mètres. Nous nous parlons, ils sont parfaitement conscients que je vais réaliser une image. Le cadrage est volontairement très serré. Le regard, encore plus que le visage, en est le centre de gravité. Je leur demande de s’arrêter un court instant pour réfléchir à ce moment si particulier que nous traversons tous, en orientant ma question sur la pandémie et la situation politique nationale.
De ce double questionnement surgissent des regards pensifs, semblant autant portés sur eux-même que fixés sur un point distant ou vague, dévoilant un hors-champ insaisissable. Une immobilité inquiète semble traverser tous ces portraits. Comme une double sidération, intime et collective.
They are accountants, nurses, mechanics, cleaners, insurers, self-employed, students, unemployed. They are the face of the people of São Paulo. I spent every day in May 2020 photographing them on Paulista Avenue, the emblematic – and longest – artery of the city. By that time the pandemic was already raging in Brazil and São Paulo officially became the coronavirus capital of Latin America. Like the virus, President Jair Bolsonaro’s inflammatory statements made the front page of daily newspapers. The citizens I photograph are as much afraid of the disease as they are of the imminence of a « golpe », a military coup.
My shooting protocol is simple. I make portraits of Paulists wearing masks, by getting as close as possible, i.e. always at a distance of between 1.5 and 2 metres. We talk to each other, they are perfectly aware that I am going to make an image. The framing is deliberately very tight. The gaze, even more than the face, is the centre of gravity. I ask them to stop for a short moment to reflect on this very special moment we are all going through, focusing my question on the pandemic and the national political situation.
From this double questioning arise pensive glances, seeming as much focused on themselves as on a distant or vague point, revealing an elusive off-screen. An anxious immobility seems to run through all these portraits. Like a double astonishment, intimate and collective.